🔴🇫🇷#FRANCE : @clemovitch (Docteur en science politique) donne une très belle leçon de journalisme à @PascalPraud et @EugenieBastie du Figaro pic.twitter.com/RbetUqDgqb
— Liesâš¡ï¸Breaker (@Lies_Breaker) 6 novembre 2017
Dans cet extrait, Clément Viktorovitch (enseignant à sciences-po) s’énerve contre deux éditorialistes, Pascal Praud et Eugénie Bastié car ielles prennent des libertés avec les faits. Il leur reproche d’être extrêmement vague, ce qui entretient la confusion. Les deux éditorialistes emploient plusieurs raisonnements fallacieux ou «moisissures argumentatives», ce qui complique la tâche du Dr Vikotorovitch.
Les intervenant-e-s débattent de l’antisémitisme. M. Viktorovitch fait remarquer que personne n’a vérifié si Mohammed Merah soutient le mouvement palestinien. Eugénie Bastié répond “il s’est attaqué aux Juifs”. On a là un exemple typique de sophisme par association. Considérons deux populations, les pro-Palestinien-n-e-s et les Antisémites. Il y a des gens qui sont à l’intersection (pro-Palestinien-n-e-s et antisémites). Cela ne signifie pas pour autant que tous les antisémites sont pro-Palestinien-e-s comme le suggère Eugénie Bastié. Par cette association fallacieuse, elle peut faire un amalgame qui permet de biaiser le débat. Elle peut ainsi «empoisonner le puits». Les pro-Palestinien-e-s étant considéré-e-s comme antisémites, ielles seront discréditées.
L’autre point soulevé par Vikotorovitch est qu’on ne peut pas affirmer des choses non prouvées. Cela fausse le débat puisque les interlocuteur-ice-s sont amené-e-s à admettre des faits dont l’existence n’est pas prouvé. C’est la VIe stratagème décrit par Schopenhauer. Une façon d’y arriver selon lui est la suivante:
en utilisant un autre nom, par exemple « bonne réputation » au lieu de « honneur », « vertu » au lieu de « virginité », etc. ou en utilisant des mots intervertibles comme « animaux à sang rouge » au lieu de « vertébrés »
Bizarrement, cela rappelle le débat entre Viktorovitch et ses deux contradicteur-ice-s. Quand le 1er affirme que l’on ne peut pas dire que l’UOIF est “majoritaire” comme l’affirme Eugénie Bastié, Pascal Praud rétorque qu’elle est “influente”. Cela n’est pas la même chose … Postuler quelque chose qui reste à prouver s’appelle une«pétition de principe». C’est extrêmement pratique puisqu’on postule quelque chose de non vérifié pour sauter directement à la conclusion.
Or comme le souligne à juste titre Dr. Vikotorovitch, “si on ne le sait pas, on ne le dit pas”. La réponse d’Eugénie Bastié est intéressante car elle répond à juste titre “cela ne veut pas dire que ce que je dis est faux”. C’est vrai. Dire qu’une position est fausse parce que mal argumentée est fallacieux en soi. Échouer à prouver que son point est vrai ne veut pas dire qu’il est faux en soi. Il s’agirait d’une “erreur fallacieuse” (ou fallacy fallacy). Ce qu’elle essaye d’expliquer dans la vidéo ci-dessous:
Merci à @clemovitch (Docteur en science politique – Expert en rhétorique et négociation) pour cette mise au point journalistiqueðŸ‘🼠pic.twitter.com/LzrgelSeCM
— Liesâš¡ï¸Breaker (@Lies_Breaker) 6 novembre 2017
Vous remarquerez qu’Eugénie Bastié travestit en réalité la position défendue par les deux universitaires (Clément Viktorovich et Béligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS et enseignant à Sciences po aussi). Ils ne disent pas qu’elle raconte des choses “fausses” mais “non prouvées”, ce qui est fondamentalement différent. Si vous dîtes “c’est faux”, vous dîtes “cela n’existe pas” alors que “non prouvé” signifie “pas de preuve de l’existence”. La différence est subtile mais essentielle. Dans un cas, je crois fermement que ça n’existe pas. Il n’est pas possible que des humain-e-s aient vécu en même temps que les dinosaures car les faits montrent le contraire. Les fossiles de dinosaure sont bien plus anciens que les plus anciens squelettes humains. “On sait que ce n’est pas possible”. Par contre, nous n’avons pas de preuve de l’existence d’extra-terrestres mais dans l’absolu “on n’en sait rien”. “On n’y croit pas” faute de preuve. Eugénie Bastié utilise un homme de paille pour travestir l’argument. Elle utilise le premier stratagème de Schopenhauer:
Il s’agit de reprendre la thèse adverse en l’élargissant hors de ses limites naturelles, en lui donnant un sens aussi général et large que possible et l’exagérer, tout en maintenant les limites de ses propres positions aussi restreintes que possible. Car plus une thèse est générale et plus il est facile de lui porter des attaques. Se défendre de cette stratégie consiste à formuler une proposition précise sur le puncti ou le status controversià¦.
En conclusion, il faut être intraitable envers les moisissures argumentatives. Elles engendrent la confusion car elles biaisent le raisonnement. C’est encore plus inacceptable quand elles amènent à accepter des faits qui ne sont pas prouvés. Le risque est de sombrer dans un relativisme qui menace la connaissance. Or, pour qu’un débat puisse s’établir sur des bases saines, il est important que l’on se fonde sur la véracité des faits exposés.
Digression: Eugénie Bastié ne serait pas la dernière thuriféraire croyante à créer une confusion entre savoir et croire. Comme le notait Hygiène Mentale dans sa vidéo sur la religion, il n’est pas rare de voir les croyant-e-s en Dieu affirmer que les athées sont croyants à leur façon. Ils croient que Dieu n’existe pas. Or l’on peut tout à fait être athée et agnostique c’est à dire ne pas croire en Dieu faute de preuve car justement on ne sait pas. De la même façon, vous pouvez être croyant-e sans affirmer en posséder la preuve, vous êtes croyant-e et agnostique.
Il va de soi que cette digression est juste un commentaire annexe. Le fait qu’Eugénie Bastié soit croyante n’a rien à voir avec le fait que ses énoncés sont fallacieux en soi.
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